Réponse à “l’article” de Sophie Durocher du Journal de Montréal
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Avec cet agencement de mots qui laisse davantage à voir les passages à vide dans vos idées que les idées elles-mêmes, vous réussissez le tour de force de parler d’un festival extraordinaire sans en aborder le contenu. Si la langue de bois est francophone d’abord, vous en êtes une belle émissaire Mme Durocher. Utiliser la langue française pour ne rien dire est beaucoup insultant et dommageable que de l’agencer à des langues voisines pour proposer quelque chose de puissant à notre société en mal d’inspiration.

Je suis une militante féministe peu versée dans le domaine artistique et pour la première fois, j’ai eu le grand bonheur de plonger dans l’expérience du Festival Edgy Women 2012 en tant que participante, blogueuse, conférencière et MC de talk-shows (oups, MC pour Maîtresse de cérémonie… prononcer avec l’accent de votre choix). Oui, des “talk-shows” en français avec un titre français (« Art : sport de combat » et « Quand art et sexe font corps »), six panelistes francophones du Québec et de France et deux anglophone qui interviennent en français, yes sir madame.

Le soir de la fabuleuse performance de Andréanne Leclerc intitulée “In Succube” (ô, mais c’est dans quelle langue ça?), on m’a raconté cette belle petite histoire. Une membre de l’audience aurait demandé “C’est en français ou en anglais le spectacle” ce à quoi on lui a répondu “C’est en contorsion”. Et pour tout vous dire, la majorité des événements du festival se déroulaient en français.

En écrivant « je me demande si pour elles la vraie forme d’audace ne serait pas de se donner un nom français pour leur prochaine édition », vous me rappelez ce que je hais du nationalisme québécois de base, raciste, xénophobe et négationniste de son colonialisme. Hérouville quelqu’unE? Quand vous regardez seulement l’aspect linguistique du titre d’un festival, à qui et à quoi ouvrez vous la porte? Ais-je besoin de rappeler que les politiques identitaires fondées sur l’écrasement des minorités par la majorité, ici franco-québécoise-de-souche, ont trop souvent marché main dans la main avec le fascisme, du plus petit au plus grand? Je ne veux rien d’un Québec qui se ferme sur le monde, qui refuse la diversité par peur de l’autre, du repli sur soi. Je ne veux rien d’un Québec qui nie son passé et son présent de peuple colonisateur.

Edgy Women, avant d’avoir un titre anglais, est un festival féministe offrant une vitrine à des femmes artistes qui ont des propositions propres à nous remuer, à nous bousculer, qui repoussent les limites pour mieux susciter la réflexion ou la prise de conscience. Edgy permet ça. Et à l’opposé, votre article obtus nous empêche de poser le regard au-delà du titre qui, certes, est en anglais.

Vous le savez, notre cher Québec est une terre fertile pour les artistes d’ici et d’ailleurs qui se produisent dans la langue de leur choix et qui font rayonner ce qu’il y a de beau ici. Devrait-on condamner Ariane Moffatt d’avoir choisi de chanter quelques pièces en anglais?; Marco Calliari en Italien (“We No Speak Americano” quelqu’unE)?; Lhasa de Sela en Espagnol?; Bïa en Portugais?; Jim Corcoran en français?

Sans nier les rapports de domination historiques de l’anglais sur le français, et depuis Waterloo des anglais sur les français, et en reconnaissant l’importance de la préservation du français, du québécois et du joual, je me permets de situer ce rapport des peuples et des individuEs à la langue dans une constellation beaucoup plus complexes recouvrant une multitude d’autres rapports de domination, d’oppression et de privilèges.

Edgy Women fait tout sauf nous enfermer. Edgy nous offre une occasion de faire éclater nos cadres et de se réfléchir autrement, dans la plus belle des diversités qui soit. Dois-je rappeler que c’est un festival d’art féministe? Et ça, votre article n’en parle pas. Shame.

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Pour lire le triste article original de Sophie Durocher, paru le 10 avril 2012 dans le Journal de Montréal:

http://www.journaldemontreal.com/2012/04/10/arretez-de-vous-mordre-la-langue

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